Etude des cétacés dans le sud-est du Sanctuaire Pelagos - Part I - Journal de bord 4/4
Journal de bord

Du 15 au 17 septembre
Dimanche 15/09/2019: Journée exceptionnelle orchestrée par l’anniversaire de l’amiral Julie.
La nuit a été longue, nous avons enchaîné les quarts de veille au fil de la nuit. La lune éclaire le bateau jusqu’au petit matin. Le lever du jour sur l’île de Monte Cristo est magnifique, un rouge vif que seuls ceux de quart peuvent apprécier. On réveille Julie pour lui souhaiter son anniversaire.
Après un bref petit déjeuner, le rythme est déjà donné par l’amiral qui a déjà tout prévu pour la journée. Nous voyons des dauphins bleu et blancs qui restent assez farouches malgré leur rapide venue à l’étrave. Quelques photos au téléobjectif mais pas de photos sous-marines pour Lionel.
Thierry, à son habitude, a mis la ligne à l’eau avec le rappala dans l’espoir de pêcher du poisson pour le repas. Nous mangeons des chapatis avec des lentilles, repas à l’indienne. L’ambiance à bord est bonne, nous continuons les rondes de prospection à l’avant du bateau. Lionel repère ses premiers dauphins à la jumelle! Frank en début d’après-midi repère un groupe de 4 cétacés, suspense à cette distance... il s’avère que ce sont des dauphins de Risso. Ils nagent paisiblement dans l’eau calme.
Nous avons le privilège de rester un bon moment avec eux et même de faire quelques images sous-marines.
Frank à nouveau repère une épave, un objet flottant à des kilomètres. Une fois que nous l’atteignons nous constatons qu’il s’agit d’une échelle en bois et qu’il n’y a pas de poisson dessous... assez déçus nous regardons cet objet défiler à l’arrière du bateau, et là un mouvement sous l’eau ! Des daurades coryphènes se déplacent furtivement, Thierry et Lionel se mettent à l’eau pour aller à la rencontre de ces poissons qui se laissent approcher facilement.
Nous reprenons les observations après cette rencontre, quand Julie s’exclame, puis tous les autres observateurs: des Ziphius ! Nous les suivons sur bien 7 sondes (environ 1h30). La mer est parfaitement plate, d’huile. La lumière tamisée nous permet la réalisation d’images pleines de douceur. Lionel tente deux approches des groupes, la deuxième se soldera par une bonne proximité avec un jeune et sa mère, il en sortira quelques clichés naturalistes même si la lumière était très faible. Quel moment de voir s’approcher cette jeune baleine à bec de Cuvier face à soi, de la voir nager dans ce bleu profond. La sonde de l’animal laisse perplexe quand on s’imagine qu’il peut descendre à -3000 mètres, on contemple la caudale qui s’estompe petit à petit dans le bleu profond.
Nous fêtons l’anniversaire de Julie avec comme fond sonore, les Ziphius qui remontent et soufflent dans la nuit à proximité du bateau. Les méduses Pelagia sont nombreuses ce soir, nous les éclairons à la lampe pour les observer avec le zooplancton qui s’active.
La nuit va être remplie de rêves pour chacun d’entre nous, mais avant il nous faut ouvrir l’oeil durant nos quarts toujours au clair de lune.
Lionel
Lundi 16/09/2019: La mer de velours de l’après-midi s’est transformée en mer de pétrole, sombre mais toujours aussi plate et belle sous la lumière du clair de lune. Les quarts commencent à 22h et s’enchaîneront comme d’habitude jusqu’au petit matin. La nuit nous réserve encore quelques surprises : des dauphins bleus-et-blancs émergent près du bateau à 1h puis de nouveau à 3h du matin, une raie pastenague fait une brève approche du bateau, de nombreuses méduses Pelagia rodent autour de notre embarcation. La température est douce mais l’humidité est importante (surtout pour ceux qui tentent de passer la nuit dehors!).
La journée de travail reprend à 7h30 sur une mer toujours aussi calme et les observations commencent comme elles ont finies la veille ... avec des Ziphius (et quelques Stenella)! Nous suivons 3 Ziphius pendant 3 heures mais l’approche est plus difficile que la veille. Nous ne les observerons que d’assez loin, sans photo-identification ... Nous sommes tous très reconnaissants d’avoir pu les observer une deuxième fois ! Nous poursuivons notre route et croisons plusieurs groupes de Stenella dont un particulièrement important, d’une centaine d’individus très éparpillés avec des couples mères/petits. Nous ne tenterons pas de les suivre pour ne pas les déranger. Plus loin un dos de large cétacé est aperçu sur l’horizon. Le souffle incliné nous indique qu’il s’agit d‘un cachalot. Nous arrivons sur zone et plongeons l’hydrophone à l’eau. Il est bien là et ils sont même deux: les clics sont nets (malgré l’important bruit des ferrys qui croisent non loin) et se superposent. Au bout d’une heure d’attente nous décidons de reprendre notre route, apparemment ils sont occupés là-dessous. Au milieu de l’après-midi, l’état de la mer se dégrade un peu, nous faisant regretter cette parenthèse anti-cyclonique tant chérie des observateurs à bord (on devient difficiles après de telles conditions)! Quelques Stenella croisent de nouveau notre route mais nous ne nous attardons pas. La journée se termine avec un vent force 3/4 et de nombreux moutons. Nous nous abritons pour la nuit dans la crique Garibaldi de l’île Caprera dans l’archipel de la Maddalena en Sardaigne. L’arrivée est grandiose dans la lumière douce de la fin d’après-midi. Sitôt l’ancre à l’eau, la moitié de l’équipage se jette à l’eau pour explorer les environs. J’ai personnellement la chance d’être hissée en haut du mât et la vue y est saisissante au coucher du soleil !
Julie
Mardi 17/09/2019: Départ matinal pour cette dernière journée de la première partie de mission! La mer n’est pas terrible à la sortie de notre abri mais elle s’améliore après quelques heures de navigation. Nous faisons route vers Porto-Vecchio, à une trentaine de miles de notre mouillage. Arrivés au niveau des îles Cerbicale un aileron de Grand dauphin est aperçu. Juste le temps qu’un ou deux autres observateurs le localisent et il disparaît. Il y a peut être 2 individus. Nous stoppons momentanément le bateau pour avoir une vue d’ensemble et les repérer plus facilement à leur sortie mais après de longues minutes toujours rien. Nous décidons de continuer vers la zone où ils se trouvaient, à environ 800 m du bateau. Rien. La mer est pourtant plate... Tant pis, c’est le jeu ! Retour au port de Porto-Vecchio à 13h30. Il faut faire le plein de carburant, faire les sacs et ranger un peu le bateau. Ça sent vraiment la fin pour la quasi totalité de l’équipage (je suis la seule à rester pour la suite et fin). La petite boule au ventre est présente lorsque cette belle et sympathique équipe embarque sur le ferry direction Marseille ...
Julie